Enjeux de la COPHAN sur la campagne électorale

26 novembre 2008

Lors de sa rencontre tenue mercredi avec les différents partis politiques, la COPHAN  a présenté les obstacles que rencontrent les personnes ayant des incapacités. La COPHAN leur a demander de s’engager à les réduire s’ils sont élus. Nous publions le texte présenté par la COPHAN.


CAMPAGNE ÉLECTORALE QUÉBEC 2008
Rencontre avec les candidatEs des formations politiques
Le 26 novembre 2008

Allocution de Mme Mercédes Benegbi, vp affaires internes, COPHAN

Depuis près de 25 ans de militantisme pour la promotion des intérêts et la défense des droits des personnes ayant des limitations fonctionnelles et leurs familles, permettez-moi aujourd’hui, au nom de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, de persévérer dans nos efforts de conscientisation quant aux droits intrinsèques de tout citoyen québécois ayant quelle que limitation(s) fonctionnelle(s) que ce soit à être inclus dans toutes les sphères d’activités de notre société, et de souhaiter à nouveau aujourd’hui, que le Québec devienne à court terme un lieu où le respect et l’appréciation des différences fait partie intégrante de notre culture collective.

Aujourd’hui, nous nous devons de vous présenter les énoncés suivants qui débutent tous par POURQUOI et qui demandent des ENGAGEMENTS :

VOLET ÉDUCATION

•Le Québec refuse toujours de parler d’inclusion alors que l’UNESCO a nommé sa dernière convention à Genève « Sommet sur l’école inclusive » et que plusieurs pays et provinces canadiennes la pratiquent déjà.

•La diplômation des élèves québécois ayant des limitations fonctionnelles est nettement plus faible que celle des élèves en général.

•La Loi sur l’instruction publique mentionne clairement que les élèves doivent être intégrés dans la classe ordinaire et aux autres activités de l’école. Si les commissions scolaires ne peuvent inclure un élève en classe ordinaire, la loi précise qu’elles doivent démontrer qu’il y a contrainte excessive. Malgré ces dispositions, trop nombreux sont les parents qui doivent encore et toujours se battre et parfois même aller en cour pour faire inclure leur enfant dans leur école de quartier.

•Les écoles prétendant inclure des élèves ayant des limitations fonctionnelles ne sont pas entièrement accessibles. Les élèves se retrouvent donc exclus de certaines activités scolaires et parascolaires. Par exemple la visite à la bibliothèque, le dîner à la cafétéria, les sorties culturelles, etc.

•L’accès au service de garde de l’école, au transport scolaire et aux documents et matériel adaptés constituent d’autres obstacles à l’inclusion des élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage et d’adaptation (EHDAA) et ce, sans parler des problèmes criants au plan de la formation professionnelle et au post secondaire.

•Les données en provenance du MELS démontrent que le taux d’inclusion en classe ordinaire diffère selon la langue d’enseignement. En effet, les commissions scolaires anglophones affichent des taux d’intégration beaucoup plus élevés que les commissions scolaires francophones.

VOLET INTÉGRATION ET MAINTIEN EN EMPLOI

•En mai 2008, le gouvernement du Québec a adopté la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Les investissements dans le but de financer l’accessibilité des Centres Locaux d’Emploi ne suivent pas. Les ressources spécialisées en vue de soutenir ces personnes dans leur cheminement vers l’intégration ou la réintégration au travail ne reçoivent pas le financement requis. En plus, la Stratégie est restée muette quant aux rôles des syndicats et du patronat notamment concernant l’élimination des obstacles que représentent certaines dispositions de plusieurs conventions collectives (organisation du travail, flexibilité des définitions de tâches, formation en emploi, accompagnement, conciliation famille/travail, assurances, etc.).

VOLET SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

•En matière de santé et services sociaux, même si la Loi le prévoit, il est rare que la personne concernée soit directement impliquée dans l’élaboration et l’application de son plan de services (PS) alors qu’elle devrait être au cœur même de sa démarche et être en mesure d’y faire des choix libres et éclairés.

•Le plan d’accès aux services pour les personnes ayant une déficience mis en place ces jours-ci n’est en réalité qu’un plan d’accès au premier service pour gérer les listes d’attente. On se demande s’il répondra véritablement et plus adéquatement aux besoins des personnes et s’il leur assurera une meilleure qualité et continuité des services.

•Les temps d’attente que certaines personnes subissent avant d’obtenir des services de réadaptation sont tels qu’elles en subissent des conséquences physiologiques dévastatrices et irréversibles, que leurs conditions de vie se dégradent, qu’elles perdent de l’autonomie et se retrouvent incapables de participer activement à la société. Étant donné qu’il faut parfois avoir un diagnostic avant de recevoir ces services et que certains diagnostics prennent plusieurs années avant d’être établis. Imaginez les impacts que ces délais d’attente ont sur les familles !

•Les services d’aide à domicile sont essentiels à la participation sociale de plusieurs personnes ayant des limitations fonctionnelles. Leurs besoins et leurs habitudes de vie devraient être au cœur de ces services. Mais en réalité, ce sont plutôt les dispensateurs de services qui rythment littéralement la vie des personnes. Par exemple, être au lit à 8h00 le soir et n’être levées qu’à 7h30 le matin. Le CLSC, premier responsable, voyant ses ressources diminuer, pousse les personnes vers le chèque-emploi service (CES). Les personnes qui l’utilisent deviennent alors un véritable département de ressources humaines avec tout ce que cela comporte (embauche, formation, remplacement, etc.). Pour l’aide domestique, c’est vers les entreprises d’économie sociale que le CLSC dirige les personnes, qui paieront de leur poche, selon leurs revenus, pour en bénéficier.

•Pour plusieurs personnes ayant des limitations fonctionnelles, il devient impossible de conserver un emploi car les horaires des soins à domicile ne leur permettent pas d’être au travail lorsqu’il le faut. Les bains sont offerts 2 ou 3 fois par semaine, souvent durant la journée. Si une personne « manque » son bain car elle a une réunion importante à ce moment là, elle doit patienter au suivant.

•Certains jeunes ayant des limitations fonctionnelles se retrouvent malgré eux en CHSLD car ce n’est que là qu’ils peuvent bénéficier de soins à domicile suffisants et appropriés à leur condition.

VOLET HABITATION

•Parce que les besoins sont trop criants et qu’aucune solution n’est disponible en terme d’habitation, les organismes communautaires et les fondations se voient contraints d’agir. Elles développent donc des projets qui prennent jusqu’à 7 ans avant d’éclore car la bureaucratie est trop lourde.

•Lors de la dernière évaluation de la Société d’habitation du Québec, le délai total de livraison du Programme d’adaptation de domicile grimpait à 42 mois et demi, période pendant laquelle les personnes ont le temps de déménager, de voir leur état de santé se détériorer ou pire, de décéder. C’est lorsque l’on atteint ces sommets inacceptables que le gouvernement réagit pour injecter des fonds et commencer à améliorer situation d’attente. N’y aurait-il pas d’autres façons de procéder?

•Les domiciles adaptés par l’État se voient parfois inutilisés ou pire, complètement démantelés. Les canaux de communication permettant la rencontre du locateur et du locataire doivent être bâtis, pour ne pas défaire d’une main ce que l’on construit de l’autre.

•De façon plus globale, la révision du code du bâtiment du Québec, qui revient tous les cinq ans ne prévoit pas l’application du concept d’accessibilité universelle. La plupart des nouvelles constructions ne sont donc pas accessibles. Même si tous les bâtiments publics construits depuis 1976 doivent l’être, des nouvelles constructions n’appliquent pas entièrement les dispositions du code du bâtiment, aussi minimales soient-elles.

VOLET ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE

•L’accessibilité universelle inclut également l’accès aux moyens de communications et aux technologies. Le Québec a sa politique d’accès aux documents et aux services offerts au public, mais à ce jour, rares sont les sites web et les documents gouvernementaux qui le sont. Encore plus grave, les personnes sourdes ou malentendantes, n’arrivent même pas à obtenir des services d’interprètes pour communiquer.

VOLET TRANSPORT

•À ce jour, selon des données du MTQ, 108 municipalités n’offrent toujours pas de services de transport adapté sur leur territoire.

•On attend toujours le cadre financier TRIENNAL devant régir le transport adapté qui devait être rendu public en décembre 2007 (hausse du taximètre, du coût de la vie et de l’essence). Pour équilibrer leurs budgets, les transporteurs et les municipalités coupent les heures de services et contrôlent de façon excessive les motifs de déplacements ce qui se traduit par des refus de services à des personnes qui n’ont que le transport adapté pour se déplacer.

•Concernant les réseaux de transport collectifs réguliers, même si le MTQ exige l’achat d’autobus à planchers surbaissés munis de rampes d’accès, plusieurs transporteurs ne les utilisent pas, et les gardent vissées en permanence donc impossible à déployer.

VOLET REVENU ET COMPENSATION DES COÛTS LIÉS AUX LIMITATIONS FONCTIONNELLES

•Selon l’OPHQ, la population active ayant des limitations fonctionnelles a un revenu personnel moins élevé que leurs concitoyens sans incapacité. Par exemple, 57 % des 15 64 ans avec incapacité ont gagné moins de 15 000 $ en 2000, comparativement à 39 % des 15 64 ans sans incapacité. Une proportion de 33 % des personnes avec incapacité provenait d’un ménage vivant sous le seuil de faible revenu en 2001, par rapport à 17 % des personnes sans incapacité.

•Les personnes avec incapacité sont, en proportion, près de deux fois plus nombreuses que les personnes sans incapacité à consacrer 30 % et plus de leur revenu pour le domicile, soit 28 % contre 15 %. On parle ici du coût du logement, auquel s’ajoute les frais de soutien à domicile.

•Dans le calcul des prestations gouvernementales ayant pour but de soutenir le revenu des personnes en situation de pauvreté, on ne fait jamais référence aux dépenses que les PALF et leur famille doivent assumer pour compenser leur situation de handicap (soutien à domicile, logement accessible, transport, achat de certains équipements spécialisés, gardiennage, répit, accompagnement, etc.).

•Enfin, au Québec, il existe un crédit d’impôt non remboursable qui peut compenser en partie les frais supplémentaires liés aux limitations fonctionnelles. Or, une partie très importante de notre communauté a des revenus tellement faibles, qu’elle ne peut en bénéficier. D’autres n’ont aucun revenu. Enfin, plusieurs vivent en couple, ne reçoivent pas de revenu personnel et leur revenu familial les empêche de bénéficier de cette mesure.

En somme, même si on nous parle d’une société inclusive, respectueuse des différences et soucieuse de maximiser l’apport de tous ses citoyens et citoyennes, une partie très importante de notre communauté qui comprend plus de 760 000 personnes se retrouve encore exclue et marginalisée.

À titre de représentants d’une formation politique, quels moyens concrets mettez-vous en œuvre pour assurer la participation des personnes ayant des limitations fonctionnelles à l’intérieur même de votre parti?

Enfin, comment pouvons-nous compter sur vous pour que le Québec s’engage résolument sur la voie de l’inclusion et assure à toutes les personnes ayant des limitations fonctionnelles et leur famille une participation sociale d’égal à égal avec les autres québécoises et québécois?