Ni compassion ni charité, mais inclusion et égalité pour plus d’un million de personnes

3 décembre 2003

En cette journée internationale des personnes handicapées, il n’y a pas de quoi fêter! En effet, depuis 4 mois, les projets de loi et plans d’action gouvernementaux se succèdent à une rapidité fulgurante et le temps qui nous est laissé pour consulter et fournir nos recommandations est très minime, sans compter que, malgré l’impact de tous ces projets sur notre quotidien, les consultations se font sur invitation.

Alors que chaque portion de la société se défonce sur celui qui le touche le plus et que la solidarité s’établit contre chacun d’eux, une certaine stratégie d’exclusion systémique, de dé-responsabilisation de l’État, inversement proportionnelle à celle de la personne, de perte de pouvoir des citoyens, de manque de transparence chronique, de nivellement vers le bas et d’hymne à la privation se met globalement en place. Service de garde : augmentation de 2$, retrait des surplus destinés aux immobilisations, approche punitive en cas d’absence. Plan d’action en matière de lutte contre la pauvreté : élimination des pauvres, et non pas de la pauvreté, aux fins de statistiques en faisant l’apologie de l’emploi, qui n’existe pas actuellement et qui sera mal rémunéré demain. Abolition des régies régionales, fusion des établissements : la personne passe d’un statut citoyen impliqué dans son réseau à un statut de malade potentiel pris en charge par le médical selon les priorités, la sous-traitance prend la place des services publics et les organismes communautaire perdent leur autonomie. Révision de l’article 45 du code du travail : bienvenue à la sous-traitance, perte d’acquis pour les travailleurs et travailleuses, qu’ils soient syndiqués ou non. Mise en place des conférences régionales des élus : renforcement du pouvoir des élus au détriment du pouvoir des citoyenNEs. Et tant d’autres choses, tels les plans d’action gouvernementaux publiés ou en rédaction qui, sans ajout de ressources financières adéquates resteront de beaux documents sur lesquels nous aurons travaillé pendant 5 ans et telles l’accessibilité à l’éducation, l’augmentation de l’électricité, l’instauration d’une taxe d’eau.

Non, nous ne sommes pas pessimistes mais plus les choses avancent, plus notre compréhension s’éclaire sur le slogan « Nous sommes prêts » et plus nous sommes déterminés à lutter contre cette mise aux enchères des responsabilités et des services de l’État. Les personnes ayant des limitations fonctionnelles appuient les revendications de toutes les portions de la société qui revendiquent des changements majeurs et parfois même le retrait de ces projets de loi, pour la bonne raison que nous sommes membres à part entière  de cette société. Or, dans tous ces changements, notre exclusion devient la norme : il était déjà difficile pour un enfant ayant des limitations fonctionnelles d’obtenir une place en garderie, mais avec l’augmentation des coûts, le resserrement des règles budgétaires et les pénalités à l’absentéisme, les écarts se creusent et l’inclusion des enfants ayant des limitations fonctionnelles est compromise. En plus de la pénurie de logements sociaux, les personnes ayant des limitations fonctionnelles attendent 9 ans pour avoir un logement adapté à leurs besoins. Un régime particulier nous est proposé dans le plan de lutte en matière de pauvreté, nous isolant du marché du travail et créant une sous-sous classe de pauvres, le gouvernement cible et définit, à grand renfort de préjugés, les bons et les mauvais prestataires de la sécurité du revenu aptes au travail, les travailleurs et travailleuses à faible revenu, et voilà qu’on revient à la notion d’invalides! Les mesures proposées sont autoritaires, punitives, minimes et ségréguées. Le milieu communautaire servira de décharge publique de l’emploi, les activités de prévention sont laissées à la charité, bref, ceci nous ramène 20 ans en arrière. Les réformes entreprises au niveau régional et local, que ce soit en santé ou en développement économique ferment la porte à l’implication et au pouvoir des citoyenNEs, que ce soit sur le conseil d’administration des agences de développement de réseaux locaux de services intégrés ou sur les conférences régionales des élus. Depuis 10 ans nous dénonçons les effets pervers de la sous-traitance dont on voit le résultat dans le soutien à domicile : piètre qualité des services, rémunération non équitable des travailleurs et travailleuses, manque de formation et recours inefficace pour les personnes et leur famille. Et pendant que tout se met en place pour consacrer notre exclusion, nous aurons probablement, en 2004, une révision de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées qui est supposée nous garantir l’égalité et, quelques années plus tard, un projet de convention internationale prônant l’inclusion. C’est mal parti!

En ce 3 décembre, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN) réitère donc ce que tous nos mémoires vous disent depuis plus de 10 ans et nous espérons que nous méritons mieux qu’une motion de l’Assemblée nationale, un jour par année. Nous voulons des actions. Nous voulons une société qui favorise la participation des citoyens, citoyennes dans tous les lieux décisionnels, un État qui maintient, développe et protège ses services publics, qui fait de la prévention et est attentif  à la situation des femmes, des jeunes, des personnes âgées, des familles, des autochtones, des communautés ethnoculturelles et des personnes ayant des limitations fonctionnelles, qui vérifie l’impact que ses lois peuvent provoquer sur elles, qui met en place des mesures d’accommodement, qui encourage la mission de transformation sociale des organismes d’action communautaire autonome, qui répartit la richesse en fonction du bien commun,  qui répond à tous les droits humains de tous ses citoyens et citoyennes, qui favorise la solidarité des peuples et le maintien de la paix.

 

Au nom du Conseil d’administration de la COPHAN
Chloé Serradori